L’abstraction lyrique console comme une musique ou donne le vertige à l’instar d’un pont suspendu. Impalpable et loin des conventions, ce langage pictural pose sur la toile les émotions de l’artiste. Et par un modelé, des couleurs, des ombres et de la matière, cette technique de peinture provoque le spectateur. Elle l’invite à plonger dans l’univers de l’expressionnisme abstrait, remuant par la même occasion, une multitude de ressentis. Alors, quelle est la définition de la peinture lyrique ? Quelles sont les origines et les caractéristiques de l’abstraction lyrique en peinture ? Qui sont ces artistes peintres abstraits ? Tali Paint vous entraîne dans les méandres d’un monde à part.
La peinture lyrique : définition
La peinture lyrique se définit par l’envie d’exprimer une émotion personnelle dans une œuvre picturale. Pour cela, l’abstraction lyrique, issue du mouvement informel, se désolidarise des conventions habituelles de la peinture. Cette technique permet à l’artiste peintre de coucher son ressenti sur la toile de manière intuitive. Ainsi, la peinture lyrique abstraite se caractérise par :
- des émotions traduites dans un langage abstrait ;
- des couleurs, de la matière et des formes posées sur la toile grâce à une gestuelle spontanée ;
- des procédés de création innovants comme le tachisme, les projections de peinture, les monochromes, le grattage, le brossage, la déstructuration, etc.
En fixant des émotions et des sentiments sur la toile, cette forme d’expression non figurative emmène le spectateur dans un voyage aussi hypnotique qu’introspectif.
Les origines de ce courant artistique européen non figuratif
Si l’abstraction lyrique en peinture puise ses racines dans les travaux d’artistes peintres des années 1910, ce mouvement naît durant la période de l’après-guerre.
Jean José Marchand et Georges Mathieu
C’est en 1947 que le critique d’art Jean José Marchand et le célèbre peintre Georges Mathieu utilisent pour la première fois cette expression. Cette année-là, ils organisent ensemble une exposition à la Galerie du Luxembourg à Paris qu’ils souhaitent intituler Vers l’Abstraction Lyrique. Sous l’impulsion de ces 2 personnalités, un mouvement artistique nouveau apparaît.
Dans l’ambiance de l’après-guerre
Cependant, comme vous vous en doutez certainement, à cette époque, le monde est traumatisé par la Seconde Guerre mondiale qui vient de s’achever. C’est pour cette raison que les artistes tentent d’échapper à un quotidien pesant. À travers leur production artistique, ils récusent toute forme de compromis avec une société transformée par des années d’horreurs. Leurs peintures bouleversent les codes de l’art et exposent une partie de leur âme sur la toile.
L’abstraction lyrique en peinture avant la guerre
À partir de 1910, les expérimentations de Vassily Kandinsky, font glisser l’expressionnisme figuratif vers l’abstraction lyrique. Ainsi, ce mouvement prend forme au début du XXe siècle, durant une époque où les peintres aspirent à un dépassement des frontières de l’art traditionnel. Ce courant s’inspire également des premiers travaux de Hans Hartung, mais aussi des théories du Bauhaus de Josef Albers et Hans Hofmann.
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Ses différents mouvements européens
L’abstraction lyrique en peinture s’oppose à la géométrie des formes, qualifiée d’abstraction froide. En Europe, elle se ramifie en 2 disciplines distinctes.
Le tachisme
Cette technique de peinture gestuelle s’échappe du réel, du conceptuel et des processus de création classique. Les éclaboussures, les projections et les gouttes de peinture acrylique sont de mise afin de permettre à l’artiste d’exprimer son ressenti de manière sauvage. Parmi les 5 artistes d’art abstrait les plus connus dans le tachisme, nous retrouvons Hans Hartung et Georges Mathieu.
Le groupe CoBrA
Cet acronyme utilisant les noms de Copenhague, Bruxelles et Amsterdam rassemble à Paris, en 1948, les artistes Asger Jorn, Pierre Alechinsky, Corneille, Karel Appel et Arton Constant. Par le biais du mouvement CoBrA, les différents membres fondateurs se donnent pour mission de créer des œuvres reniant les normes et les conventions artistiques occidentales. Pour ce faire, ils exploitent les croyances des cultures primitives, l’art populaire nordique et même les dessins d’enfants ou de personnes atteintes d’une déficience mentale. Cela aboutit à un art brut résultant de l’expression directe du psychisme humain.
L’abstraction lyrique américaine
À une époque où l’art européen règne sur le monde entier, l’abstraction lyrique en peinture puise une partie de ses racines dans l’expressionnisme abstrait américain.
L’Action Painting
L’Action Painting voit le jour sous le pinceau de Jackson Pollock, peintre américain de l’expressionnisme abstrait. Cette peinture gestuelle, sauvage et impulsive rassemble d’autres artistes tels que Willem de Kooning, Rothko ou Sam Francis. D’ailleurs, le 20 mai 1950, le président du Metropolitan Museum of Art, à New York, reçoit une lettre rédigée par 18 peintres abstraits lyriques qu’on appelle désormais le groupe des « Irascibles ». Ces derniers protestent contre le conservatisme des musées et l’absence de leurs œuvres abstraites dans ces mêmes lieux.
Color Field Painting
Traduisez « mouvement de la peinture en champs de couleur ». Cette branche de l’abstraction lyrique en peinture apparaît au début des années 1950 dans les toiles de Barnett Newman. Ce mouvement fait la part belle aux grands espaces colorés recouvrant le tableau abstrait. L’accent est mis sur la régularité de la forme et du processus, abandonnant, cette fois-ci, le geste pulsionnel.
Les artistes peintres abstraits lyriques
Vous le savez, les bienfaits des œuvres non figuratives sur notre quotidien ne sont plus à démontrer. Outre les pionniers européens et américains de l’abstraction lyrique – Georges Mathieu, Jackson Pollock, Sam Francis, Hans Hartung – bien d’autres encore nous font vibrer par leurs réalisations artistiques :
- Willem de Kooning : ce peintre, dessinateur et sculpteur de l’expressionnisme abstrait, rejette le fait d’être rangé dans un mouvement d’art en particulier. Il dit :
Le style est une supercherie. […] C’était une idée affreuse de chercher, comme Van Doesburg ou Mondrian, à produire, de toutes pièces, un style.
- Mark Rothko : il explore les formes, les couleurs et la spatialité dans l’abstraction lyrique en peinture. Comme de Kooning, il refuse toute catégorisation qu’il juge aliénante.
- Joan Miró : peintre, graveur, sculpteur et céramiste espagnol, Joan Miró transcrit dans ses œuvres son attrait pour le subconscient. Ses peintures se veulent oniriques, parfois enfantines, mais surtout surréalistes.
- Joan Mitchell : influencée par Van Gogh, Cézanne et Kandinsky, cette femme artiste peintre réalise des toiles de grands formats, souvent des diptyques abstraits.
En somme, l’abstraction lyrique en peinture incarne les sentiments, les émotions voire l’inconscient des artistes qui jonchent le paysage de l’expressionnisme abstrait. Dans une société en pleine métamorphose, elle prend son envol à travers la créativité de plusieurs figures de proue qui ont marqué l’histoire de l’art.
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Le tachisme surprend par le mouvement qu’il peut insuffler à une toile. Cette technique picturale amène l’artiste peintre à exprimer son art par des jets de peinture, des coulures et des éclaboussures. Ainsi, ce type d’œuvre abstraite issue de l’art informel se base sur des gestes spontanés, parfois pulsionnels. Alors, qu’est-ce que le tachisme ? Quelles techniques les tachistes emploient-ils ? Et qui sont les artistes peintres aux taches de peinture ? Tali Paint vous en dit plus.
Qu’est-ce que le tachisme ?
Le tachisme est une tendance de l’art abstrait qui consiste à créer une toile à partir d’éclaboussures de peinture, de taches, de coulures ou de gouttes. On le retrouve dans 2 styles distincts d’œuvres abstraites :
- L’abstraction lyrique : il s’agit d’une technique de peinture non figurative où l’éclaboussure et les projections de couleurs jouent un rôle primordial.
- L’impressionnisme abstrait : cette technique consiste à déposer la couleur avec un pinceau par petites touches afin de créer une forme perceptible telle que Les Nymphéas de Monet, par exemple.
Le terme tachisme est utilisé dès 1889 par le critique d’art Félix Fénéon. Celui-ci décrit la technique employée sur Le Macchiaiole – en français, les petites taches –, une toile de Giovanni Fattori, exposée à Florence en 1867. Le mouvement pictural des macchiaioli italiens est une variante abstraite du pointillisme. Le concept est à nouveau employé en 1909 par un historien de l’art, Maurice Denis, pour se référer au fauvisme.
Mais c’est en 1952 que le tachisme trouve sa popularité en France grâce au livre Un Art autre de Michel Tapié. Dans son essai, le critique d’art désigne une technique de peinture gestuelle incarnée par l’artiste peintre Jackson Pollock à partir de 1946. Ainsi, la peinture en éclaboussure n’est autre qu’un des aspects de l’art informel et l’équivalent de l’Action Painting aux États-Unis. Le mot tachisme sera ensuite utilisé de manière très large par le critique Charles Estienne pour définir l’œuvre de Hans Hartung, Pierre Soulages et Jean-Paul Riopelle.
Une tendance de l’art informel
Les taches de peinture sur toile se développent dans la période de l’après-guerre entre 1945 et 1960. Cette tendance artistique s’inscrit dans le cadre de l’expressionnisme abstrait provenant du mouvement informel. Elle s’exprime par la matière picturale seule en rejetant la composition traditionnelle d’une peinture. Autrement dit, l’artiste s’appuie sur ses émotions qui donnent naissance à des mouvements spontanés pour créer son œuvre. Il fait fi du cheminement classique consistant à passer par des esquisses qui mènent à une peinture supposément travaillée, soignée et réfléchie. En réalité, le peintre joue avec l’imprévu de la matière, la spontanéité de son geste et son attrait pour l’inattendu. Cette méthode engendre des tableaux abstraits aux couleurs explosives.
« Le tachisme accorde une grande liberté de création à l’artiste. Cette tendance de l’art informel représente un lieu ouvert où le peintre découvre le sens de son œuvre au fur et à mesure qu’il la crée. »
Mais ce n’est pas tout ! Ce style de peinture autorise le spectateur à lire ce que bon lui semble. La construction de signes ainsi que le mélange instinctif des couleurs procurent au spectateur une sensation particulière connue de lui seul.
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Le tachisme, une technique d’art abstrait pulsionnel
À travers la peinture en taches, l’artiste peintre crée du dynamisme à son tableau abstrait aux couleurs vives. Il célèbre un instant de vie pulsionnel. Les techniques sont multiples et nous pouvons en citer 2 principales.
Le dripping
Le dripping, signifiant l’égouttage, consiste à laisser la peinture s’égoutter avec lenteur sur le tableau. Selon son objectif, le tachiste peut également projeter la matière dans un geste vigoureux afin de donner un mouvement de couleur plus dynamique. Pour cela, chaque artiste possède sa propre technique. Par exemple, Jackson Pollock pratiquait le dripping à l’aide d’un bâton pour provoquer des jets spontanés de peinture sur la toile. Max Ernst remplissait de peinture des boîtes trouées afin de laisser les gouttes se déposer sur un tableau au sol. Georges Mathieu, quant à lui, créait ses projections à partir du tube de peinture.
Le mouchetage
Comme pour le dripping, cette technique du tachisme offre des effets de couleurs audacieux et imprévisibles. Le mouchetage donne du mouvement à une toile abstraite grâce à la projection de peinture réalisée à coup de pinceau ou de brosse. Il s’opère sur une toile posée à l’horizontale afin d’éviter les coulures.
Sans conteste, l’improvisation des éclaboussures de peinture façonne un rendu remuant qui caractérise si bien les peintures issues du tachisme.
Les artistes peintres des taches de peinture
Les giclées de peinture, les gouttes de couleurs et les projections inspirent bon nombre d’artistes peintres. Cet art abstrait sans forme ni structure prédéfinie est maîtrisé par différentes figures incontestables.
Hans Hartung (1904 – 1986)
Il est considéré comme le fondateur du tachisme en Europe et l’un des pionniers de l’abstraction lyrique. Il se plaisait à dire :
« Mes éclairs enfantins […] m’ont donné le sens de la vitesse du trait, l’envie de saisir par le crayon ou le pinceau l’instantané, ils m’ont fait connaître l’urgence de la spontanéité. Il y a souvent, dans mes tableaux, des lignes zigzaguées, brisées, qui courent et traversent mes toiles comme elles le faisaient sur mes livres des éclairs. »
Jackson Pollock (1912 – 1956)
Peintre américain de l’expressionnisme abstrait, il jouit d’une notoriété mondiale de son vivant. Il démocratise la pratique du dripping et de l’Action Painting grâce à des photos et films réalisés pendant qu’il peint.
Georges Mathieu (1921 – 2012)
Ses tableaux se caractérisent par des lignes et des coulures de peinture jaillissant directement du tube. Ce peintre français est l’un des pères de l’abstraction lyrique. En 1956, il s’installe en pleine rue pour peindre sous les yeux des passants sa toile La Bataille de Hastings.
Wols (1913 – 1951)
Wols est un artiste allemand, représentant du tachisme et de l’art informel. Son travail est lié au mouvement appelé « Art autre », né dans l’Europe de l’après-guerre. Il est à l’origine des toiles It’s All Over The City, La Flamme ou Le Grand Orgasme.
Sam Francis (1923 – 1994)
Ce peintre américain s’inscrit dans la mouvance du tachisme axé sur le geste de l’artiste et une conception déstructurée de l’œuvre. Il peint sur des toiles de grand format et mélange diverses techniques qu’il emprunte aux Action Painters. Il donne naissance à des paysages abstraits organiques, loin des convenances de la peinture moderne de l’époque.
Arnulf Rainer (1929 -)
Ce peintre autrichien peint par-dessus des photos. Tourné vers la peinture gestuelle, il crée des séries de dessins, de photographies et de surpeintures largement teintés de tachisme et d’art informel.
Vous l’aurez compris, le tachisme représente une façon de peindre bien à part. Par des coups de pinceau, des giclées de couleurs et des jets de peinture sauvages, les émotions de l’artiste et du spectateur se retrouvent liées. Et c’est dans un espace hors du temps, dépourvu de protocoles établis que la beauté de cet art abstrait acquiert tout son sens.
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